Dans le contexte d'un manque poignant de systèmes
financiers pour plus de la moitié de la population, deux
systèmes informels d'épargne et un système
mutuel se sont développés de façon spontanée
et devenus très populaires. Il s'agit des
1. Tontines avec organisateur : Un 'tontinier'
collectionne des petits montants d'argent épargnés
quotidiennement par les membres. Après un mois, il rend
à chaque membre leurs épargnes, diminué par
les frais de gardiennage.
2. Les tontines mutuelles : Quelques individus (moins que
12) cotisent un montant fixe par mois. Ce montant est versé
à un membre chaque mois, à tour de rôle.
3. Des caisses mutuelles : Il existe différentes
formes de caisses qui combinent différentes activités
: garder des épargner, octroyer des petits crédit
d'urgence, répartir la levée des épargnes.
4. Les sèrès : Les membres d'une association de
femmes contribuent également de façon régulière
mais aussi lors des occasions de grandes dépenses pour
une des membres comme des baptêmes, circoncisions, mariages,
maladies ou décès.
Tontines avec organisateur
Le système d'épargne à l'aide
d'un tontinier est très populaire dans le milieu des entreprises
de survie. Les tontiniers arrivent à gérer jusqu'à
250 membres (signalons le cas extrême d'un tontinier à
Kindia qui a 700 membres ). Ils évoluent surtout sur les
grands marchés au centre ville où un grand nombre
de commerçantes (entreprises de survie) sont rassemblées.
Chaque client reçoit une carte d'inscription (à payer
: par exemple 250 FG) et décide à ce moment quel montant
elle est prête à déposer par jour. Ce montant
reste fixe à partir de ce moment. Les montants épargnés
par jour varient entre 500 FG (20 eurocent) et 3000 FG (1 euro).
Chaque jour le tontinier passe de table en table au marché
pour encaisser les dépôts. Si elles déposent,
il paragraphe le jour sur le calendrier de leur carte et il note
le dépôt dans un registre. Un client peut décider
de ne pas verser certains jours. 30 jours après inscription,
le client reçoit la somme épargnée diminuée
par un jour d'épargne. Les clients peuvent également
réclamer leurs épargnes avant la fin du mois.
Les tontiniers sont tous lettrés et ont faits
des études parfois universitaires. Les plus grands tontiniers
arrivent à gagner leur vie avec les profits de la tontines,
la majorité pourtant combine ces activité avec d'autres
(meunerie, enseignement, télécentre, taxis
).
Aucun tontinier n'utilise une banque pour faire les dépôts.
Les frais bancaires sont estimés trop élevés
et l'argent trop peu accessible. Le nombre de tontiniers est estimé
à 10 à Kindia.
Les problèmes mentionnés par les tontiniers
sont tous des problèmes de détournement (versements
incorrects, fausses accusations), des problèmes logistiques
(perte de cartes, l'obligation de passer voir chaque client chaque
jour) et la pression par les clients de donner des prêts.
L'avantage pour les clients de faire garder leur
argent par une tierce personne est que l'argent est 'sécurisée'
en dehors du ménage et donc à l'abris du mari et de
la pression sociale énorme sur ce revenu de la femme et que
l'argent reste quand même très accessible.
Parfois les tontiniers peuvent en effet accepter
de donner du crédit à condition que le débiteur
soit membre de leur tontine et en fonction de sa cotisation journalière.
Les moyens pour donner des crédits sont cependant faibles,
les risques élevés et les bénéfices
pour le tontinier très petits car les clients exigent que
ces services sont offerts gratuitement. Pourtant, ce genre de service
est sollicité très régulièrement. La
demande de crédit peut se présenter comme une simple
avance de la date de remboursement, dans ce cas là le tontinier
demandera un préavis de 24 heures pour avoir l'argent disponible.
Un deuxième service souvent sollicité
auprès des organisateurs de tontines et le gardiennage prolongé
des épargnes. Les tontiniers sont parfois prêt à
rendre ce service qui ne leur rapporte cependant pas et qui implique
seulement des risques de perte de l'argent. L'option d'ouvrir un
compte en banque n'est pas tellement considérée car
l'accès est difficile et les frais bancaires seront à
sa charge.
Tontines mutuelles
Comme les tontines avec organisateur, les tontines
mutuelles sont très répandues mais cette fois-ci surtout
parmi les micro entrepreneurs. Il s'agit de petits groupes de sympathisants,
qui ont un niveau et une stabilité de revenu similaire (par
exemple tous les enseignants d'une école, tous les tisserands
d'un groupement) ou la facilité de se contrôler l'un
l'autre (les résidents d'un même quartier
). Ils
s'accordent sur un montant à payer, sur la fréquence
de la cotisation et sur un ordre de réception de la levée
par chaque membre. D'habitude la fréquence est mensuelle
et le nombre de membres ne dépasse pas les 12, car chaque
membre souhaite empocher la levée dans le cours de l'année.
Le montant à payer varie beaucoup de tontine en tontine (de
2000 à 100 000 FG), dépendant des moyens des membres.
L'ordre des versements peut parfois être modifié au
cours du cycle tontinier en cas d'urgence et sur base de négociations.
Pour les membres, ce système est une façon
transparente et directe faire des épargnes et d'obtenir du
crédit. Pour ceux qui reçoivent la levée en
premier lieu, le système représente un crédit
qu'ils rembourseront en tranches les mois après. Ceux qui
reçoivent en dernier lieu ne font que d'encaisser leurs propres
épargnes.
Souvent les tontines mutuelles ont un caractère
temporaire. La continuation de la tontine est reconsidérée
à chaque fin de cycle.
Caisses locales
Le nom 'caisse locale' regroupe tous les systèmes
informels mais bien organisés dans lesquels une combinaison
d'activités est effectuée comme le gardiennage des
épargnes, l'octroie de petits crédits d'urgence, rotation
d'un fond par le système d'une tontine. Ces systèmes
dépendent souvent de la direction par une personne franche
et engagée avec une vision claire sur le bon fonctionnement
d'un système sociale pareil. Les relations personnelles entre
les membres et/ou les preneurs de crédit sont extrêmement
important, parce que tout différend est réglé
par des négociations et la pression sociale.
Les caisses locales sont parfois gérées
avec un minimum de papiers administratifs. Par exemple deux registres
: un pour les entrés et sorties, un pour les crédits
et les intérêts.
Sèrès
Contrairement aux tontines, qui ont une aspiration
majoritairement 'économique', les sèrès sont
des organisations 'sociales'. D'habitude les sèrès
tiennent des réunions périodiques (mensuelles ou hebdomadaires),
à l'occasion desquelles une des membres reçoit les
autres membres chez soi et les sert le dîner à l'aide
d'une cotisation payée par l'ensemble. A part ces réunions-là,
les membres se présentent en sobi (uniforme) à chaque
cérémonie de baptême, mariage, circoncision,
sacrifice de commémoration (après un décès)
d'un des proches des membres de la sèrè et apportent
pour ces occasions la contribution convenue.
Exemple de l'ensemble de contributions prévues
dans une sèrè de gens plus ou moins 'aisés'
:
Occasion Contribution par membre
Réunion mensuelle 1 000 FG pour le dîner et
2 000 FG comme cotisation 'tontine'
Décès de mère, père, mari ou enfant
5 000 FG
Décès d'une membre 10 000 FG
Mariage d'une membre 10 000 FG par membre et un demi complet
Baptême d'un propre enfant 10 000 FG et 3 savons
Circoncision d'un propre enfant 2 500 FG
Souvent les sèrès organisent des tontines (mutuelles)
entre les membres, et certaines sèrès cherchent également
à organiser des activités rémunératrices
ensemble, bien que les moyens financiers manquent souvent pour réaliser
ce souhait. Certaines sèrès gardent une partie de
la levée (9%) dans la caisse centrale pour 'fonctionnement'.
Certains sèrès organisent la collecte
des cotisations sur base régulière pour accumuler
un fond dans la 'caisse de fonds', gérée par une présidente
et/ou une secrétaire.
Le but principal des sèrès est social,
ainsi les membres peuvent parfois aider une personne à acheter
un lit pour elle au lieu de la passer la levée de la tontine
directement, pour contourner les problèmes de gestion d'argent
de cette personne. D'autres tontines acceptent que les membres cotisent
des montants différents, selon leurs niveaux de vies, bien
qu'elles bénéficient les mêmes profits. En cas
de maladies, les membres peuvent être libéré
de leur cotisation,
Une sèrè compte entre 6 et 40 membres
et comme les tontines, les membres appartiennent à une même
catégorie sociale. Cependant, on trouve des sèrès
à tous les niveaux de vie. Souvent les femmes se connaissent
depuis longtemps, ont fait l'école ensemble, ont été
circoncises ensemble ou ont d'autres liens sociaux entre elles.
Les sèrès sont présidé
par une présidente qui gère le fonctionnement de la
sèrès souvent accompagné par une vice présidente
et/ou une secrétaire.
On constate que les sèrès renforcent
beaucoup les femmes jusqu'au point que certains pères de
familles ne permettent pas à leurs épouses de devenir/rester
membre d'une sèrès. Ils n'arrivent pas à supporter
que la femme se sente 'trop libre'.
(source: enquêtes menées par l'équipe
technique du projet PARCEL en collaboration avec Anja Crommelynck)
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